Guimarães Rosa qualifie d’« autobiographie irrationnelle » son roman Grande Sertão : Veredas (1956) – le héros Riobaldo est un barde/poète qui se soumet à un pacte faustien pour prendre le dessus sur Hermogène (le signe arbitraire) et recevoir enfin Otacilia (le prix littéraire) ; toutefois, cela se conclut au prix de la perte de Diadorim (Deodoron, cadeau de Dieu : l’âme). Parallèlement, dans un registre poétique proche de l’oraliture holographique, Guimarães Rosa affirme avoir écrit son chef-d’oeuvre en état de possession. Et alors qu’il ajourne, par superstition avouée et revendiquée, son entrée à l’Académie brésilienne des lettres pendant quatre ans, il meurt mystérieusement trois jours après la cérémonie. Énigme ou mise en scène ? Par le biais d’indices factuels plantés avec soin sur les sentiers interprétatifs, et suivant à la ligne un scénario tout à fait inédit dans l’histoire universelle de la littérature, le romancier compose en menus détails une autobiographie irréductible à une version qui serait définitivement encadrée par l’impression graphique : cette autobiographie ne se conçoit que dans l’espace poétique de l’oraliture (dans ses manifestations sociales collectives et grégaires, au-delà de l’univers de la lettre imprimée). Dans le but de transformer en légende vivante sa propre existence et afin de se soustraire à l’incomplétude hasardeuse de la condition humaine (ainsi qu’aux limitations réductrices qui marquent l’avènement du texte écrit), Rosa raconte une vie (la sienne), sous prétexte d’une « mort annoncée », par l’intermédiaire d’une textualité qui s’accomplit exclusivement dans l’imaginaire de ses lecteurs.
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